ECHO A L'ARTICLE DE 303 D'EVA PROUTEAU

« Assemblages de pierre, d'os ou d'acier »
Assemblages surtout de fer, d'os (et... de papier dans le cas des
collages). Peu d'objets sont en pierre, en bois, en acier, mais il y en
a (pare-chocs de voiture par exemple).
Oui, en fait Floquet ne sculptait pas, il assemblait. Certaines
peintures donnent aussi cette impression de construction-assemblage et
même... de soudure.
Le matériau utilisé est très significatif. Il renvoie aux origines
géographiques de Floquet, à un territoire et à son histoire,
c'est-à-dire à la ferme de la grand mère, à la guerre et à la mort. Il
y a peut-être, comme chez les dadaïstes et d'autres artistes de son
époque, un besoin de reconstruire après la guerre. Il y a chez lui un
besoin de dépasser la mort, dont l'idée le hantait, de vaincre la
destruction par l'art, de se survivre, d'échapper à la disparition le
plus longtemps possible (il n'a jamais vraiment consenti à partir). Et
c'est la guerre qui fournit le fer et les os ainsi que la ferme avec
ses outils rouillés. C'est peut-être entre autres ainsi qu'il règle son
compte avec elle. Presque tous ses matériaux sont ramassés par terre,
viennent de la terre (sauf le vélo du père, le rouet de la grand mère
etc, par exemple). Les os ont été nettoyés par leur séjour sous terre :
le « journal intime » mentionne qu'il enterre même des os au Tertre.
Mais les premiers, il les a trouvés sur les champs de bataille du côté
de Verdun.
Oui, faire des collages était encore possible quand il n'y voyait plus
trop et que les forces lui manquaient. Il en a fait beaucoup, pas tous
réussis, disait-il parfois lui-même.
Beaucoup étaient non figuratifs, un peu comme s'il faisait des
exercices sur les formes, les couleurs, les équilibres, les
compositions.
Mais le matériau (journaux, publicités...) apportait parfois de la
figure, des fantômes, du récit, de l'humour, de la poésie, de l'ironie.
Très souvent, il ajoutait un oeil, une planète dans le ciel, comme une signature.
Parfois, oui, il faisait des ajouts peu nombreux subtils, minimes, dans
un sens surréaliste, poétique. Ou renversait juste le motif, en effet,
en transformant ainsi complètement la vision, n'en laissant d'abord
voir que les formes, les couleurs, la construction. Il fallait que ça
tienne comme collage abstrait, vu dans quelque sens que ce soit.
D'ailleurs, quand on lui apportait par exemple une photo prise chez
lui, il n'était pas rare qu'il commence par la retourner dans tous les
sens avant de s'intéresser à ce qu'elle représentait.
Dans « le roi du Qatar et Madame », je vois quelque chose de bien
calculé en termes de composition. Quelque chose de drôle aussi à cause
de ladérision (le nom ajoute la jubilation féroce de l'ironie envers
les «puissants»). Je me dis que cela a à voir avec le fait qu'il était
comédien. Et puis il y a quelque chose qui en revanche transparaît
comme à son insu, il me semble : c'est le côté tragique, très fréquent
sinon omniprésent dans l'ensemble de l'oeuvre. C'était là aussi chez
l'homme, bien sûr, en même temps que le reste, mais le plus souvent
caché.
Il me semble que c'est même cette dimension tragique qui distingue les
oeuvres de Gaston de beaucoup de choses superficiellement semblables,
récupération comprise. Oui, cet oeuvre offre bel et bien une vision de
l'homme. Sans complaisance, tragi-comique, organiquement ancrée dans
une époque et un territoire précis mais universelle.
… Qu'en pensez-vous ?
M.A